Quand nous sommes arrivés sur ce terrain, nous avons trouvé une parcelle tranchée en deux par un mur à vignes en pierre. Beaucoup de la poétique du lieu venait de ce mur, de l'appareillage de la pierre, du fait de sa présence dans ce jardin.
Ce mur crée un écosystème autour de lui : il génère de l'ombre, il emmagasine des calories et les redonne, il porte des plantes qui grimpent sur la pierre. Mais il dérange ! Il divise en deux un terrain que l'on aurait souhaité unitaire et ouvert, il tranche. Et c'est très étonnant de se rendre compte de toutes les questions « existentielles » qu'un tel objet - bâti et non-vivant- peut générer lors de la recherche d'un geste architectural que l'on voulait juste. Fallait-il le détruire ? S'en libérer, l'oublier et recréer du neuf ? Ou au mieux, réutiliser ses pierres ?
Fallait-il garder cet objet intact, comme on l'a trouvé, le « respecter » comme on respecterait un arbre ou un objet de patrimoine ? Fallait-il être aussi radical que ce mur tranchant et en garder chaque pierre ?
Quelle est la valeur de ce mur ? Et quel est la liberté d'un architecte face à l'existant ?
Ces questions sont classiques pour les professionnels du Patrimoine. Mais nous sommes des créateurs de « nouveau », et ce mur n’était pas un objet de patrimoine dans le sens classique du terme.
La valeur de ce mur (bien encombrant, il faut l'avouer) venait strictement et uniquement du fait qu'il était présent, existant et debout avant notre intervention. Et ce simple fait d'existence nous poussait à l’humilité. Comme l’avaient compris les futurs habitants, il n'y avait pas d'autre choix que de le considérer comme partie prenante de l'intervention architecturale sur ce terrain.
La maison est donc simplement une intervention sur ce mur.
Nous nous sommes donné la liberté d'ouvrir une unique baie vers le sud dans la pierre du mur à vignes. La maison, posée immédiatement derrière cette ouverture dessine, distribue et stimule ainsi trois jardins distincts, celui du matin, celui du midi, et celui du soir, prenant le soleil chacun leur tour au fil de la journée. Une coursive extérieure sur ces trois orientations donne de l'air, de l'épaisseur et de la fluidité au dispositif, et favorise la mise en relation des trois jardins. A l'est et à l'ouest, les pignons équipés chacun de trois espaliers, sont des prolongements verticaux des jardins adjacents.
La maison enduite de goudron de pin noir sous un toit imposant qui couvre le mur, apporte sa propre poétique au lieu. L'atrium de la maison vient comme un creux habitable, doux et confortable derrière l'ouverture créée dans le mur rêche et imparfait.
Cette nouvelle poétique du lieu inclut un brin de mystère qui vient du fait que la maison est cachée, qu'on n'en aperçoit que la toiture noire et le ventre de l'atrium. Ce même mystère émane de la coexistence du neuf et de l'ancien, de ce qui a toujours été présent et ce qui vient d’être construit, sans que l'on ne sache exactement et clairement les distinguer.
26 octobre 2024